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Eléments mobiles

Tour d'horizon

Les éléments mobiles différent par leur structure et la façon dont ils se déplacent et se multiplient au sein du gènonome. Sur ces critères il est possible de distinguer deux catégories ou classes.

Les éléments de classe 1 ou rétrotransposons

Les rétrotransposons se déplacent par copier coller. Dans le noyau, l'un des deux brins de leur ADN est d'abord transcrit en ARN messager qui est lui même traduit en protéines dans le cytoplasme.

Elément mobile de classe 1 : le rétrotransposon "Gypsy". LTR pour Longue Terminal Repeat, longue répétition terminale contient le promoteur des gènes du rétrotransposon (Freund et al. 1984).

La transcription commence au niveau d'une séquence de bases azotées particulière (LTR pour  Longue Terminal Repeat, longue répétition terminale) et se termine au niveau d'un séquence identique située à l'autre extrémité de l'élément mobile. L'une des protéines produite est une transcriptase inverse  qui fabrique une molécule d'ADN double brin à partir des molécules d'ARN messager simple brin. Cette molécule d'ADN est ensuite insérée dans l'ADN du noyau par une deuxième protéine (une intégrase ou une endonucléase). Ce cycle de multiplication est semblable à celui des rétrovirus. Ces derniers fabriquent en plus les protéines de leur enveloppe ce qui leur permet de faire une partie de leur cycle de vie à l'extérieur de la cellule.

Les éléments de classe 2 ou transposons


Élément mobile de classe 2 ou Transposon. TIR pour Terminal Inverted Repeats, répétitions terminales inversées, La séquence en haut à gauche est répétée en bas à droite mais dans un ordre inversé. TSD pour Terminal Side Duplication, lorsque la transposase insère un transposon dans un gène elle recopie une courte séquence de ce dernier de l'autre côté du point d'insertion.


Duplication d'un transposon, explication dans le texte ci-contre.

Les transposons se déplacent par couper coller. Leur ADN contient l'information génétique nécessaire à la synthèse de l'enzyme transposase. Celle-ci découpe l'ADN du transposon en reconnaissant des séquences de bases azotées particulières (TIR pour Terminal Inverted Repeats, répétitions terminales inversées) aux deux extrémités du transposon, puis elle l’insère ailleurs dans le génome. Cela ne fait que déplacer le transposon sans qu'il ne se multiplie. Cependant, le transposon peut se dupliquer si le déplacement a lieu lors de la réplication de l'ADN (2). Le transposon saute alors d'une partie ou l'ADN est répliqué vers une partie non encore répliquée (3). Le transposon qui a sauté est répliqué à nouveau et le trou qu'il a laissé derrière lui est réparé (gap repair) en prenant pour modèle le transposon resté sagement à sa place (4). Chaque chromatide fille possède maintenant 2 copies du transposon (5).

Proportions relatives des deux classes d'éléments mobiles chez des unicellulaires (Levure, Amibe), des Mammifères (Homme, Souris) et des Insectes (Drosophile, Anopheles et Aedes), d'aprés Feschotte et al. (2007)

Les éléments mobiles existent chez les bactéries mais ils sont particulièrement présents et diversifiés chez les Eucaryotes. Il semble même que toute la palette actuelle était déjà présente chez leur ancêtre commun. Chez le Maïs, où ils ont été découverts, ils représentent 83% des 2,3 milliards de paires de bases de l'ADN. Les 40 000 gènes contrôlant le phénotype sont comme des îles perdues au milieu d'une mer d'un million d'éléments transposables (Fedoroff, 2012). Les rétrotransposons sont même insérés les uns dans les autres. Leur abondance dans le génome est très variable. Ils représentent 2% de l'ADN de l'Abeille,  45 % de l'ADN de l'Homme et 99% de celui du Lys (Biémont, 2010). Cette variabilité explique que la quantité d'ADN contenue dans le noyau soit très variable au sein d'un même groupe d'Eucaryote. Chez les Plantes à fleurs elle varie d'un facteur 1 à 1000 et d'un facteur 1 à 100 chez les Amphibiens et les Insectes. La plus ou moins grande abondance des éléments mobiles fait qu'il n'y a pas de relation directe entre le nombre de gènes et la quantité d'ADN du noyau. Une grenouille peut se faire plus grosse qu'un bœuf en s'enflant aux éléments transposables, ce n'est pas pour cela qu'elle en crèvera car l'écrasante majorité des transposons et rétrotransposons sont réduits au silence par les mécanismes qui contrôlent l'activité des gènes. Ce ne sont pas ces éléments sages qui nous intéressent mais les turbulents.

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Mutations

Le poisson Medaka, type sauvage en haut et type albinos en bas. Les albinos sont dus à l'insertion d'un transposon dans le gène de la tyrosinase.

L'insertion d'un élément mobile dans un gène peut avoir des conséquences catastrophiques. Kazazian (1988) a montré que l'une des mutations responsables de l'hémophilie A était provoquée par l'insertion du rétrotransposon L1 dans l'exon 14 du gène du facteur VIII. Sur 14000 gènes examinés dans l'espèce humaine, 4% contiennent des fragments d'éléments transposables. L'insertion se fait généralement dans un intron puis une partie de l'élément mobile est confondu avec un exon car sa séquence contient souvent des séquences reconnues par les enzymes d'épissage. La protéine produite est alors modifiée avec plus ou moins de bonheur (Nekkutenko, 2001).

La tyrosinase est une enzyme essentielle pour la synthèse d'un pigment noir : la mélanine. Sans mélanine l'animal est blanc, il est dit albinos. Chez le poisson Medaka on connaît un cas d'albinisme provoqué par l'insertion d'un transposon dans le gène de la tyrosinase. Ce qui est intéressant c'est que le type sauvage non albinos peut réapparaître spontanément dans des lignées pures d'albinos, le transposon s'étant déplacé autre-part. Cette excision  se fait de manière plus ou moins parfaite donnant des mutants différents. Comme le fait remarquer l'auteur de la découverte (Koga, 2006), si l'on avait pas eu connaissance de la présence d'un transposon rien n'aurait laissé supposer que les mutations étaient dues à son excision. La fréquence de ce type de mutations est 1000 fois plus élevée que le taux spontané.

L'allèle a1 est la conséquence de l'insertion d'un transposon (orange) dans la séquence de bases azotées de la tyrosinase (bleu vert). Les allèles a3 et a6 sont le résultat d'une excision parfaite du transposon donnant un phénotype de type sauvage. Les autres allèles sont le résultat d'une excision imparfaite. TIR pour Terminal Inverted Repeats, séquence terminales inversées et répétée. TSD pour Terminal Side Duplication, lorsque la transposase insère un transposon dans une gène elle recopie une courte séquence de ce dernier de l'autre côté du point d'insertion. Lors de l'excision la duplication est normalement enlevée (allèle a3 et a6).

Les grains de raisin de la variété Cabernet, à gauche, doivent leur couleur à des pigments rouges les anthocyanes. Dans les grains de la variété Chardonay de droite, l'insertion d'un rétrotransposon dans le promoteur du gène d'une enzyme nécessaire à la synthèse des anthocyanes a entrainé son inactivation. Les anthocyanes ne sont pas fabriquées et les grains sont blancs.

Une insertion à côté d'un gène peut également avoir des effets spectaculaires. Les grains blancs du vignoble Chardonnay sont dus à l'insertion d'un rétrotransposon à côté du gène responsable de la couleur noire du grain. L'élément mobile  a détruit le promoteur du gène (parti permettant son activation) réduisant ce dernier au silence et les grains Chardonnay sont devenus blancs (Lish, 2013). Au contraire, dans les Oranges sanguines, l'élément mobile a activé le gène qui normalement ne s'exprime pas dans la chair du fruit. C'est le promoteur du rétrotransposon qui est utilisé par le gène de la plante.

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Remaniements chromosomiques : des tomates rondes et des tomates ovales

Chez la tomate, Solanum lycopersicum, les fruits sont sphériques mais certaines variétés donnent des fruits ovales. Chez les variétés à fruits sphériques le gène IQD12 existe en un seul exemplaire sur le chromosome 10 par contre chez les variétés ovales il existe un deuxième exemplaire sur le chromosome 7. Chez S. pimpinellifolium, une espèce voisine de la tomate le gène IQD12 existe en un seul exemplaire sur le chromosome 10, la duplication sur le chromosome 7 est donc un phénomène récent. Sur le chromosome 7 quatre autres gènes ont été dupliqués en même temps que  IQD12 en particulier le retrotransposons "Rider ".

Dupication et translocation d'un gène par un rétrotransposon, d'aprés Xiao, 2008.

La copie de Rider a commencé en 1 au niveau de sa séquence  LTR qui sert de promoteur. Normalement la synthèse de l'ARN messager aurait due se terminer en 2 à la fin de la deuxième séquence  LTR. Il n'en a rien été et la synthèse s'est poursuivie jusqu'à 3.  Là une deuxième erreur s'est produite. Au lieu de continuer le long de l'ADN jusqu'à rencontrer une séquence d'arrêt, l'ARN polymérase a fait un saut en arrière pour reprendre sa synthèse en 4 et la terminer en 5 à la fin de la séquence LTR. De la sorte on a obtenu un brin d'ARNm  aberrant où la position de IQD12 est inversée. Cet ARN a servi de modèle pour la synthèse d'un ADNc monobrin qui a ensuite été intégré sous forme d'un double brin au sein du gène DEFL1 sur le chromosome 7. La conséquence de cette insertion a été double. Le gène DEFL1 a été rendu non fonctionnel mais le gène IQD12 est passé sous le contrôle du promoteur de DEFL1.

Comment cette duplication accompagnèe d'une translocation permet-elle d'expliquer la forme des fruits ? IQD12 stimule la production d'auxine qui est une hormone végétale responsable de l'élongation des cellules et des organes et DEFL1 est un gène qui ne s'exprime que dans les fruits. Dans un fruit ovale la copie de IQD12 située sur le chromosome 7 s'exprime sous le contrôle du promoteur de DEFL1 entraînant un supplément de production d'auxine et un allongement du fruit. Dans les organes de la plante cette copie n'est pas activée et leur croissance est normale. Dans un fruit sphérique la copie de IQD12 n'existe pas et il n'y a pas d'élongation du fruit.

Le rétrotransposon a donc provoqué non seulement une duplication génique mais aussi un changement du cadre de contrôle d'un gène et de la sorte une innovation génétique : des fruits ovales.

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Domestication : l'origine de la diversité des anticorps

Schéma d'un anticorps.
1- site de reconnaissance et de fixation de l'antigène, 2- chaine légère, 3- chaine lourde, 4- partie variable, 5- partie constante, 6- liaison disulfure.

On estime à plusieurs millions le nombre de molécules étrangères ou antigènes que l'organisme d'un Mammifère peut reconnaître et éliminer. Les anticorps produits par les lymphocytes B et les récepteurs des lymphocytes T sont responsables de cette propriété unique dans le monde vivant. Une molécule d'anticorps est constituées de quatre sous unités réunies par des liaisons disulfures : deux chaînes lourdes et deux chaînes légères. Un anticorps ne se fixe que sur une seule molécule d'antigène, il y a donc autant de molécules d'anticorps différentes que de molécules d'antigènes reconnues par un organisme. Un anticorps doit cette spécificité aux deux sites de reconnaissance et de fixation de l'antigène situés à l'extrémité des chaînes lourdes et des chaînes légères. Ces parties des deux chaînes ont une séquence d'acides aminés différente d'une molécule d'anticorps à une autre, ce sont les parties variables. Comment un organisme peut-il fabriquer des millions de parties variables l'information génétique nécessaire dépassant très largement ce qui est stockable dans l'ADN du noyau ? Un lymphocyte fabrique des molécules d'anticorps toutes identiques entre-elles mais différentes de celles fabriquées par un autre lymphocyte. Il acquiert cette propriété au cours du développement embryonnaire à la suite du remaniement d'une partie de son ADN.

Origine de la diversité des anticorps, l'assemblage de la partie variable d'une chaine lourde. Explications dans le texte ci-dessous.

Il n'existe pas de "gène de l'anticorps", bien au contraire son information génétique est dispersée sur plusieurs chromosomes, il est en quelque sorte en pièces détachées. C'est au début du développement embryonnaire que chaque lymphocyte réalise son assemblage. Quelles pièces faut-il pour monter un anticorps ? Pour une chaîne lourde, il nous faut un gène de partie constante et 3 gènes pour la partie variable : un gène V, un gène D et un gène J. Mais cela se complique car sur le catalogue, le chromosome 14, il y a 50 gènes V, 20 gènes D, et 6 gènes J (A). C'est l'enzyme « RAG » qui est chargée de l'assemblage. Elle reconnaît les limites des gènes grâce à des séquences de bases azotées particulière , les séquences RSS. Elle soude ensuite l'un des gènes V avec l'un des gènes D puis avec l'un des gènes J (B et C). Les associations se faisant au hasard on peut fabriquer 6000 chaînes lourdes différentes (D). Il y a un peu moins de possibilités pour les chaînes légères mais la combinaison des deux permet de créer plus de 2 millions d'anticorps différents.

L'activité de l'enzyme RAG évoque celle d'une transposase. S'agit-il d'une convergence ? RAG est composé de deux sous-unité RAG1 et RAG2. C'est RAG1 qui possède l'activité catalytique et sa structure est très conservée puisque sur les 1040 acides aminés de sa séquence 600 sont identiques chez tous les Vertébrés. En comparant RAG1 aux transposases des transposons connus on s'est aperçu qu'elle avait de fortes ressemblances avec une famille de transposons appelée Transib. Leur sites catalytiques sont semblables et contiennent environ 200 acides aminés dans la même position. La famille Transib a été identifiée chez une large gamme d'Eucaryotes : Insectes, Oursin, Hydre, Anémone de mer, Planaire, Nématode et Champignons. La ressemblance entre RAG1 et Transib va plus loin que leur séquence d'acides aminés. La comparaison des RSS reconnues par RAG1 et des TIR de transib montre qu'elles se ressemblent. Enfin les TSD créées par RAG1 contiennent 5 bases azotées comme celles de Transib. Cette observation n'est pas anodine car les transposons de la famille Transib sont les seuls à créer des TSD de cette taille (Kapitonov et al., 2005).

Cet ensemble d'observations montre que RAG1 descend d'une famille de transposons répandus chez les Opisthochontes (Métazoaires et Champignons) Il a été domestiqué par l'ancêtre commun des Vertébrés il y a 500 millions d'années et a permis une évolution majeure. Si RAG1 appartient à la famille Transib, il n'en reste pas moins un membre très particulier. On a retrouvé son "noyau dur" de 600 acides aminés chez des animaux aussi différents que l'Oursin, l'Anémone de mer ou l'Hydre. On ne connaît pas  la fonction de ces séquences mais leur présence montre que le transposon ancêtre de RAG1 est sans doute aussi ancien que le clade des animaux.

Amis ou ennemis ?

Les quelques exemples que nous venons de citer montre que les éléments mobiles, les gènes égoïstes d' Orgel et Crick, ne sont pas dénués d'utilité pour leur hôte ; bien au contraire, ils sont une source majeure d'innovation génétique. Leur ressemblance avec les virus laisse penser qu'ils sont des virus ayant perdu la capacité de se propager hors des cellules. Le raisonnement inverse est également envisageable : les virus sont des éléments mobiles ayant acquis la possibilité de se propager hors des cellules. Peu importe leur origine, dans la cellule eucaryote leur développement est contraint par les mécanismes très efficaces de contrôle de l'ADN. Comme nous l'avons vu, elle en tire un bénéfice en terme d'innovations génétiques. Les éléments mobiles étoffent également la quantité d'ADN des chromosomes, en espaçant les gènes ils permettent des crossing-over qui ne les endommagent pas et ils occupent une place importante dans le centromère et les télomères. En contrepartie les éléments mobiles ont le gîte et le couvert se déplaçant et se multipliant sous contrôle. Nous avons là une association à bénéfices réciproques à ajouter au crédit de la cellule eucaryote qui en compte de plus célèbres comme le chloroplaste ou la mitochondrie.

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créée le : 13-06-2013     mise à jour le : 03-12-2015     542 visites depuis le 3/08/2021
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