Quel temps faisait-il au Permien?
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Nous n'allons pas vous donner les prévisions météo du Permien mais au contraire parler du climat de cette époque reculée. Le climat est l'état moyen de la température, de la pression, de la pluviosité et des vents qui caractérisent l'atmosphère. La météorologie décrit par contre l'état instantané. Le climat dépend de la quantité d'énergie reçue par la surface de la Terre, de la composition de l'atmosphère, du relief, des océans... La Terre n'a donc pas les mêmes climats sur toute sa surface. Ils se répartissent en bandes parallèles à l'équateur. En partant de l'équateur pour aller vers les pôles, on distingue le climat tropical, le climat sec des déserts puis le climat tempéré, le climat continental (ou tempéré froid) et enfin le climat polaire.
Reconstituer le climat du passé
Comment mesurer la température et la pluviosité dans le passé? Pas question d'utiliser des thermométres ou de pluviomètres tant que les voyages dans le temps ne sont pas possibles. Fort heureusement, les roches terrestres ont enregistré ces informations dans leurs strates successives. Pour les faire parler et lire les indices qu'elles renferment, il faut connaitre leurs conditions de formation dans la nature actuelle. Les évaporites (sel gemme et gypse) se forment sous un climat chaud et sec. Les phosphorites et les sédiments riches en matière organique (argiles noires) peuvent être révélateurs soit d'un climat tropical sec soit d'une zone d'upwelling. Les upwellins sont des remontées d'eaux froides riches en sels minéraux et propices au développement du phytoplancton. Les Opales et les cherts sont aussi des indicateurs de zones d'upwelling.
Les êtres vivants actuels et les fossiles des roches nous apportent aussi des informations. Les coraux actuels ne vivent que dans les mers où la température ne descend pas en dessous de 25°. La biodiversité végétale est plus faible sous les climats secs ou froids que sous les climats chauds et humides. Les anneaux ou cernes du bois sont révélateurs des saisons du climat tempéré mais aussi du climat tropical sec.
Tous ces indices sont de véritables paléothermomètres et paléopluviomètres et tel un policier scientifique nous allons pouvoir les utiliser pour reconstituer les climats du passé.
Les indicateurs climatiques du Permien
Les indices collectés au Permien sont les suivants :
Les indicateurs du climat au Permien inférieur (A) et au Permien moyen (B) d'aprés Rees et al, 2002 et Gibbs et Al., 2002
Nous pouvons en déduire les zones climatiques du Permien :
Les zones climatiques reconstituées à partir des indicateurs climatiques au Permien inférieur (A) et au Permien moyen (B) d'aprés Rees et al, 2002 .
Au Permien inférieur les zones climatiques sont comparables aux zones actuelles avec cependant une plus grande extension des zones désertiques. Au Permien moyen le climat global de la planète se réchauffe et devient plus sec, la zone tropicale humide de la partie centrale de la Pangée disparait.
Simulations climatiques
Ces résultats correspondent-ils à ce que nous savons des lois qui gouvernent le climat dans la nature actuelle? Pour le vérifier, il est possible de simuler les climats du passé en utilisant des modèles de circulation des masses d'air. Ces modèles sont plus ou moins complexes en fonction du nombre de paramètres pris en compte. Ils sont également utilisés pour prédire l'évolution du climat sous l'effet des facteurs humains. Confronter ces modèles aux climats du passé permet de les affiner et de mieux prévoir l'avenir.
Simulation du climat au Permien inférieur (A) et au Permien moyen (B) d'après Gibbs et Al., 2002. :
Les paramètres du modèle de simulation sont les suivants :
- Teneur en CO2 = 4 fois la valeur actuelle
- Prise en compte de la disposition des masses continentales et de leur relief
- Energie solaire = 97,9 % de la valeur actuelle.
- Végétation de savane
Le modèle montre que les précipitations se concentrent au niveau des chaines de montagnes et sur le pourtour de la Téthys à cause des moussons. La pluviosité est très faible au centre des masses continentales. La température descend jusqu'à -30°C au pôle sud pendant l'hiver austral. La simulation est-elle en accord avec les zones climatiques reconstituées précédemment? Oui, sauf pour les zones froides (toundra en rose) qui sont fortement exagérées. Cette différence s'explique-t-elle par le fait que le modèle ne prend pas en compte la circulation océanique?
Simulation du climat au Permien moyen d'après Winguth et al, 2002.
Les paramètres du modèle de simulation sont les suivants :
- Teneur en CO2 = 4 fois la valeur actuelle
- Prise en compte de la bathymétrie des océans et de la disposition et du relief des masses continentales.
- Energie solaire = 97,9 % de la valeur actuelle.
- Végétation de savane.
- Interactions atmosphère, continents et océans.
- Simulation des courants marins et des zones d'upwelling.
- Le modèle est à 3 dimensions sur un planisphère et non sur une sphère. Il simule mal les mouvements des masses d'air et des masses d'eau autour des pôles.
Même en prenant en compte la circulation océanique la simulation prédit des températures inférieures à -15° au centre du Gonwana pendant l'hiver austral. Si l'on ajoute des courants chauds autour du pôle sud, le climat du Gondwana s'adoucit et gagne 7°. Ce qui est compatible avec le climat continental froid des indicateurs climatiques. Le modèle de circulation océanique montre aussi que des zones d'upwelling existaient sur les côtes est de l'océan Panthalassa et de la Téthys là où l'on note la présence de phosphorites et de sédiments riches en matière organique dans les terrains du permien moyen.
Réchauffement climatique et crise
La mise en place de courants chauds autour du pôle sud, à la fin du Carbonifère, sans doute à cause du déplacement du Gondwana vers le Nord, ajouté à l'augmentation de la teneur en CO2 de l'atmosphère a permis la fonte de la calotte polaire qui recouvrait le pôle sud. A partir de là, la machinerie du réchauffement climatique s'est emballée. Les calottes de glaces ayant disparu les pôles ont moins réfléchi d'énergie vers l'espace et se sont réchauffés entraînant la fusion des sols gélés et la libération de grandes quantités de méthane dans l'atmosphère. Ce gaz à effet de serre s'est conjugué au CO2 augmentant encore le réchauffement climatique. L'augmentation de la température des océans a déstabilisé les gisements de méthane stockés dans les fonds océaniques sous forme de clathrates solides. Le réchauffement devait être à son paroxysme lorsque d'immenses éruptions de basalte ont eu lieu en Sibérie recrachant dans l'atmosphère d'énormes quantités de CO2. La plus grande crise biologique de tous les temps venait de commencer.